#JeSuisCharlie: Le jour d'après (13/01/2015)
Vous trouverez ci-dessous un billet que j'ai sans doute trop longtemps différé. Certes j'ai beaucoup tweeté* (retweeté serait plus exact) ces derniers jours mais il m'était très difficile de mettre noir sur blanc quelque chose de cohérent sur Charlie même une fois l'effet de sidération estompé.
Je ne savais pas (plus), combien j'étais intimement lié à la Bande à Charlie, même si comme beaucoup (beaucoup trop) j'ai oublié de les lire assidûment et de les soutenir ces dernières années.
C'est avec eux que j'ai fait mon éducation d'humaniste (si, si j'insiste). C'est aussi dans cet hebdo que j'ai appris l'instinct d'autodérision, la pertinence des métaphores et la puissance du style (Cavanna, Delfeil de Ton, les personnages de Wolinski ...).
Comme disait Cabu, l'humour "c'est un coup de poing dans la gueule", car même si il est enveloppé, il nous renvoit souvent à nos bassesses et à nos compromissions quotidiennes. Il est même fait pour ça. C'est aussi la meilleure école pour accéder au second degré...
Tous ceux qui les connaissaient ont souligné leur gentillesse et leur générosité en particulier celle de Cabu. Ces qualités ils les mettaient aussi au service de leurs lecteurs anonymes lors des séances de dédicaces.
En témoignent ces 2 dédicaces l'un de Charb, l'autre de Cabu, récupérées, lors du festival du livre d'Arras, par mon fils Franck, que j'associe à ce billet (le virus a été transmis) :
Le serial mapper caricaturé en beauf
Franck contre la video surveillance avec Charb
Charlie Hebdo est quelque part un fanzine lycéen monté en graine qui a généré en son sein d'immenses artistes. Il ne faudra pas beaucoup d'années avant que Cabu, Wolinski, Reiser et les autres se révèlent être de véritables des trésors nationaux eux qui qui n'avaient pas besoin de renoncer "aux pompes et aux oeuvres" (1).
La prochaine livraison de Charlie va tirer à au moins 3 millions d'exemplaires... mais pour cela il aura fallu les 13 victimes (y compris la policière de Montrouge) lors de la tentative d'assassinat de Charlie + les 4 victimes lors de l'attentat antisémite de la Porte de Vincennes.
Et puis il y a eu notre magnifique sursaut de dimanche. François Morel, un copain à eux, en avait eu la prescience lors de ses voeux de courage du 31 décembre sur Mediapart
à 3 minutes 15
" Car figure-toi, mon cher compatriote, quand je te regarde, je suis dans la position de Louis de Funès observant Bourvil dans Le Corniaud et j’ai envie de dire : « Il m’épate, il m’épate, il m’épate. » Oui, mon cher compatriote, souvent, tu m’épates, tu m’épates, tu m’épates.
Tu montres une vitalité admirable. Je te vois fréquenter les théâtres, les salles de concert, les bibliothèques, les librairies. Je te vois curieux, désireux, impatient de connaître, d’aimer, de partager. Je te vois t’impliquer dans des associations. (...)"
Mais maintenant quels dessins pour quels desseins ?
Je vais m'employer avec d'autres et dans le cadre de ce que je sais faire à essayer de répondre à cette question. Si vous sentez concernés vous pouvez me contacter.
Pour l'instant en tant que citoyen je n'accepterai plus :
* les "responsables" politique proposent de faire de "faire en sorte que" (sic) ou de "poser un acte concret" (resic). On doit se taire si on a rien à proposer pour alimenter le débat démocratique. De même toute mesure doit être accompagnée d'un processus d'évaluation pour pouvoir dire stop ou encore.
* que l'on continue à parler des "JeunesDesCités" alors qu'il faut dire et surtout penser "NOS jeunes"
Vaste programme aurait dit quelqu'un ? Peut être mais c'est un programme vital.
J'ai vécu, comme tous, beaucoup de choses très paradoxales depuis le 7 janvier. Dans cette liste figure le fait d'écrire ce billet d'hommage à Charlie Hebdo si peu "visuel". C'est peut être ça la vraie force de l'utilisation de la vision pour penser. Face à l'overdose (2) depuis le 7 février, de dessins et de photos il nous reste aussi le texte.
Addendum : l'incroyable couverture de Charlie Hebdo qui va faire le tour du monde ... Que dire de plus ?
Merci de votre patience pour avoir lu ce texte jusqu'au bout.
* compte twitter : @serialmapper
(1) pour Wolinsky c'est un peu moins sûr mais WTF
(2) Oh combien nécessaire
PS : les scans des dédicaces sont volontairement d'une qualité moyenne pour éviter qu'ils se retrouvent sur Ebay ...
15:47 | Lien permanent | Commentaires (4) | Imprimer
Commentaires
Voilà qui est bien dit, tout est pardonné, merci Claude pour ce grand texte qui repousse l'horizon, le dépasse et l'ouvre ;-)
Avec nos jeunes, faut nous y mettre
Expliquer que dans la phrase "c'est dur d'etre aimé par des cons" fallait comprendre "etre aimé par trois cons" et non pas "etre aimé par nous qui sommes donc des cons" comme beaucoup l'ont lu, à commencer par les neofascistes...
que rebatir... sortir de la religion positivitivement, de toutes les religions, on ne peut pas faire moins que proposer un autre dieu ouvert à tous, qui serait par exemple la planète Terre, tout le monde connait, tout le monde lui doit quelque chose, tout le monde l'aime au moins un peu, elle est la même pour tous
mais c'est pas facile faudra inventer une liturgie, un prophète disparu comme Coluche ou Onc'Bernard
deuxièmement la terre n'est pas aussi généreuse pour tout le monde, le système d'héritage et d'exploitation des ressources par la propriété privée amène à un gisement de ressources actuellement captées par une minorité (comme c'était le cas en 1788), il faudrait faire une répartition aux 8 milliards d'humains d'une ressource universelle qui éviterait de craindre le puissant, craindre le prêtre, craindre le mari ou le père, craindre le lendemain, craindre le changement climatique et la migration forcée. Au contraire donner espoir de vivre mieux, d'entreprendre avec un pécule garanti, de ne pas courir après l'argent-roi qui deviendra une simple ressource universelle comme l'explique bien notre journal http://linconditionnel.info
à mon humble avis il faudrait démarrer par des pays test et progressivement couvrir le monde, j'ai pour le début repéré une ressource (multi-sources à expliquer) d'environ 3000 milliards de $ qui affecterait une moyenne de 2$ par jour à chaque humain de façon garantie. Dès que nécessaire nous l'élargirions en prélevant 100% des héritages qui n'auraient plus de raison d’être...
car éradiquer la misère du monde éliminera le principal ressort des fanatismes et de ceux qui les excitent...
excuses pour l'orthographe, ya pas de correcteur en ligne ici
à bientôt la suite, Armel
Écrit par : Armel | 14/01/2015
Les archives de Wolinsky sont à la Bibliothèque Nationale depuis quelques années déjà. Peu importe. Il est certain qu'un jour, des collèges, des lycées et des bibliothèques porteront les noms de ces gens-là. Mais il est tout aussi certain qu'on choisira ces noms pour des quartiers tranquilles. On ne va quand même pas jouer avec le feu.
Le Serial Mapper préfère passer du géographique au mental, en disant "nos jeunes" plutôt que de rappeler là où ils vivent, là où ils vont à l'école, depuis trois générations, sans que notre douce France ne leur ait donné beaucoup de raison de se sentir des nôtres. Dire "nos jeunes", c'est donc parler par anticipation en faisant allusion à un "vaste programme". Certes. Encore faut-il remarquer que la mobilisation actuelle semble avoir du mal à mesurer le délabrement de la République qu'elle défend.
On dira "nos jeunes", on mettra Cabu au Panthéon, on investira dans les technologies de surveillance, et on laissera la ségrégation s'entretenir d'elle-même, et suivre son vaste programme à elle. Programme qui, celui-là, n'a pas besoin d'être voulu pour suivre son cours.
Nos jeunes n'ont pas fini de nous surprendre. Et nous d'avoir des sursauts républicains.
Écrit par : Frédéric Lepage | 14/01/2015
Merci Armel de ta contribution.
Frédéric ravi de te retrouver. J'ai parfois la nostalgie des polémiques que tu savais si bien créer sur la liste ADBS. Tu mettais la tête à l'envers de toute le monde. Je vois que tu n'as perdu la main ;-°))
Écrit par : SerialMapper | 15/01/2015
Je te lis toujours avec grand intérêt et grand plaisir.
Écrit par : Frédéric Lepage | 15/01/2015