Penser différemment la mémoire (24/01/2008)
Notre époque "post-moderne" n'est pas seulement celle de l'info-obésité mais aussi celle de son pendant à savoir la mémoire fragmentée. On trouve beaucoup de travaux sur le tsunami informationnel mais beaucoup moins sur nos stratégies mémorielles.
Il faut dons saluer l'initiative des Vendredis de la Philosophie de France Culture qui ont consacré l'émission du 18 janvier à la "théorie et pratique de la mémoire collective".
François Noudelmann avait invité, entre autres, Carlos Severi auteur du livre "le principe de la chimère : une anthropologie de la mémoire"
C'est un livre magnifique et qui fera date. Cet anthropologue explique que les dispositifs graphiques et visuels permettent dans des sociétés sans écriture d'organiser les savoirs notamment en mettant en séquence les choses à mémoriser.
Ces dispositifs visuels ont souvent été mal interprétés. Ils ont été perçus comme une pseudo écriture alors que l'écriture est un très mauvais modèle pour les sociétés primitives.
La tradition orale repose sur des artefacts (visuel, sonore, gestuelle) qui stimulent l'imagination. Il ne s'agit pas ici de réciter à la lettre un récit mais de le récréer de manière suffisamment fiable pour ne pas oublier d'étapes.
On retrouve ici les intuitions de Frances Yates dans son livre sur l'Art de la Mémoire qui cependant ne parlait que de la sphére occidentale déjà doté de l'écriture.
Face à la généalogie trop unifiante qui oppose la passé au présent et l'écrit à l'absence de mémoire il faut respecter la multiplicité et la dynamique des sources mémorielles.
C'est d'ailleurs ce que nous apprennent les sciences cognitives. Les souvenirs ne sont pas stockés "tels quel" dans le cerveau mais ils sont recréés à chaque fois.
vous trouverez plus d'informations sur cet ouvrage dans la quatrième de couverture reproduit ci dessous :
Ce livre nous présente les résultats d'une vaste enquête anthropologique menée en Amérique indienne et en Océanie. Il analyse nombre de ces dispositifs visuels, tout en étudiant les contextes d'énonciation rituelle qu'ils impliquent et démontre une tout autre hypothèse : il existe une voie de la représentation chimérique par laquelle s'inventent des arts de la mémoire non occidentaux. Rien d'imitatif dans ces «supports mnémoniques» dont la forme mobilise le regard et invite à les décrypter. Ils sont les témoins visuels d'une série d'opérations mentales condensées en images efficaces, intenses et fragmentaires à la fois.
Un nouveau champ de recherche s'ouvre grâce à l'étude de ces traditions iconographiques et orales qui concerne l'histoire des arts autant que l'ensemble des sciences sociales - une anthropologie de la mémoire.
22:28 | Lien permanent | Commentaires (2) | Imprimer
Commentaires
N'est-ce pas justement la voie enseignée par le mindmapping, où la structure seule doit être complétée par le dessin, la couleur, la symbolique, afin de stimuler l'imagination, la mémoire, et de favoriser les idées plus que l'exhaustivité ?
En tous cas cet article me donne envie de lire ce livre :-)
Écrit par : Jean-Daniel | 29/01/2008
Bonjour Jean-Daniel
Effectivement le mind mapping retrouve ces vielles pratiques de l'humanité. D'autres formes de cartographie, métaphoriques ou éditoriales, souvent citées sur ce blog y font également appel.
En ce qui concerne cet ouvrage l'une de mes correspondantes me signale que l'ouvrage était en rupture de stock à la FNAC dès le lendemain de la parution de ce billet ;-°))
Bien cordialement
Serial Mapper
Écrit par : Serial Mapper | 29/01/2008